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Réforme de l'Ordonnance de 1945 sur le droit des mineurs à VERSAILLES

Le 05 mai 2020


 
La justice pénale des mineurs était jusqu’à septembre dernier régie par la fameuse Ordonnance du 2 février 1945, véritable serpent de mer du droit pénal.
 
Par l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019, portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs (CJPM), le gouvernement a entériné la disparition de cette ordonnance.
 
Entrant en vigueur le 1er octobre 2020, cette ordonnance vient de faire l’objet d’un projet de loi de ratification présenté en conseil des ministres le 30 octobre 2019.
 
L’objectif annoncé était de simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants, d’accélérer leur jugement pour qu'il soit statué rapidement sur leur culpabilité, de renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine, notamment pour les mineurs récidivistes ou en état de réitération et d’améliorer la prise en compte de leurs victimes.
 
Il est évidemment trop tôt pour dire si ces objectifs ont été atteints.
 
On peut cependant constater, dès à présent, que le texte n’est pas véritablement plus simple que l’ordonnance de 1945. Le Code de la justice pénale des mineurs est un texte long (plus de 250 articles) et complexe, qui modifie profondément le droit pénal des mineurs.
 
Certes, le code reprend nombre de dispositions de l’ordonnance du 2 février 1945, mais il apporte d’importants changements, sur le fond comme sur la procédure.


I – Le fond


S’agissant des conditions de responsabilité pénale des mineurs, le code énonce, dans un article L. 11-1, que « lorsqu’ils sont capables de discernement, les mineurs, au sens de l’article 388 du Code civil, sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables ».
Mais le même article prévoit, dans l’alinéa suivant que « les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d’au moins treize ans sont présumés être capables de discernement ».
On peut penser qu’en pratique, la responsabilité pénale des mineurs de moins de treize ans devrait être exceptionnelle.
Néanmoins, tout dépendra de la manière dont ces dispositions seront effectivement appliquées et combinées.
A cet égard, on peut rappeler qu’actuellement on considère que le discernement s’acquiert aux alentours de l’âge de 7 ans (l’âge de raison).
Concernant les mesures, le code affirme, au titre des principes directeurs, le principe de primauté de l’éducation sur la répression, en combinant la formule utilisée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002 et les fonctions de la peine de l’article 130-1 du Code pénal.
L’article L. 11-2 prévoit ainsi que « les décisions prises à l’égard des mineurs tendent à leur relèvement éducatif et moral ainsi qu’à la prévention de la récidive et à la protection de l’intérêt des victimes ».
Le principe se déduit aussi de l’article L. 11-3, qui prévoit quant à lui que « les mineurs déclarés coupables d’une infraction pénale peuvent faire l’objet de mesures éducatives et, si les circonstances et leur personnalité l’exigent, de peines ».
Mais, comme on pouvait s’y attendre, la primauté de l’éducation sur la répression admet le cumul le plus large entre les mesures éducatives et les peines (art. L. 111-3), le code venant ici achever l’abandon progressif de l’option des voies éducative et répressive [8].
Plus précisément, le code revient -avec raison- à un système dualiste, composé de mesures éducatives et de peines.
Les sanctions éducatives qui avaient été créées par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 disparaissent donc, certaines d’entre elles étant absorbées par la catégorie des mesures éducatives.
Ces dernières sont profondément réaménagées.
 Le code en propose deux : l’avertissement judiciaire (nouvelle dénomination de l’admonestation, de l’avertissement solennel et de la remise à parent) et la mesure éducative judiciaire qui constitue une mesure « fourre-tout », comprenant des « modules » (insertion, réparation, santé et placement) ou des interdictions (de paraître, d’aller et venir, de rencontrer les coauteurs ou complices ou la victime…), ou encore l’obligation d’accomplir un stage, inspirés de certaines mesures éducatives ou sanctions éducatives actuelles.
S’agissant enfin des peines, le code reprend l’exemption légale de peine en dessous de l’âge de treize ans, et la diminution légale applicable à partir de l’âge de treize ans, diminution obligatoire entre treize et seize ans (plafonné à la moitié de la peine encourue par un majeur et plafonnée à vingt ans de réclusion en cas de perpétuité encourue par un majeur), et pouvant être écartée entre seize et dix-huit ans. Le code reprend aussi à l’ordonnance du 2 février 1945 les peines inapplicables aux mineurs, comme l’interdiction du territoire, le jour amende, ou l’affichage de la décision, et l’impossibilité de faire application aux mineurs de la période de sûreté.


II – La procédure


Le Code de justice pénale des mineurs consacre d’abord à la procédure des principes directeurs, dans le titre préliminaire (art. L. 12-4 et s.) : publicité restreinte, assistance obligatoire du mineur par un avocat, droit à l’information et à l’accompagnement des représentants légaux, droit d’exercer des voies de recours, prise en compte de l’âge au moment des faits. Ces principes ne sont pas nouveaux et existent aujourd’hui, soit dans l’ordonnance du 2 février 1945, soit dans la jurisprudence.
Mais leur consécration va certainement les stabiliser, et sans doute aussi les renforcer, en leur donnant une plus grande visibilité.
S’agissant des acteurs de la justice pénale des mineurs, le code n’apporte guère de nouveauté, puisqu’il reprend ceux que nous connaissons aujourd’hui : juridictions (juge des enfants, tribunal pour enfants, cour d’assises des mineurs, tribunal de police, chambre spéciale des mineurs…), protection judiciaire de la jeunesse, et ministère public.
On peut cependant relever ici que désormais le premier acteur -et cela n’est pas innocent- n’est pas le juge des enfants, mais le parquet.
 Mais le juge des enfants se voit reconnaître la possibilité de prononcer seul, en audience de cabinet, des peines autres que les peines d’emprisonnement.
Cela étant, concernant la procédure, ce qui mérite surtout d’être souligné c’est la généralisation de la césure du procès pénal du mineur, consistant à distinguer une première audience sur la culpabilité et l’action civile et une seconde relative aux mesures éducatives et aux peines. Inspirée de la technique de l’ajournement de peine, la césure du procès pénal avait été proposée par la Commission « Varinard », et inscrite dans l’ordonnance du 2 février 1945 (art. 24-5 et s.) par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011.
Le code en fait le schéma normal de procédure, et réserve l’instruction aux crimes, et, de manière exceptionnelle, aux délits complexes. Il est prévu que l’audience sur la culpabilité se tienne dans un délai de trois mois après l’interpellation, et que l’audience sur la sanction intervienne ensuite dans un délai de six à neuf mois.
Mais, dans l’intervalle, une mesure éducative judiciaire provisoire peut être prononcée par le juge des enfants.
En outre, le mineur peut être astreint à un contrôle judiciaire, prévoyant un certain nombre d’interdictions ou d’obligations provisoires, et même, le cas échéant, être placé en détention provisoire.
A cet égard, c’est le juge des enfants ou le tribunal pour enfants qui, dans ce cas, pourront prononcer ces mesures de contraintes, en tant que juridictions correctionnelles, d’autant que le code enlève au juge des enfants les fonctions d’instruction (l’instruction relèvera donc désormais des seuls juges d’instruction).
La procédure est donc profondément modifiée, et nombre de questions se posent, pour lesquelles on ne peut espérer trouver des éléments de réponse dans les débats parlementaires, puisque précisément il n’y a pas eu de débat… Il n’est pas certain que le droit pénal des mineurs ait finalement gagné en simplicité et en lisibilité…


 

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